PiggyBee - Clap de Fin
#CrowdShipping
Il y a plus de 10 ans, j'ai eu cette idée de créer une plateforme qui mettrait en relation les gens qui souhaitent transporter un objet avec des gens qui voyagent, principalement à l'international. A mon insu à cette même période, de nombreux entrepreneurs se lancent également dans les “places de marché” de mise en relation "peer to peer", que ce soit pour le logement, le covoiturage, la livraison de repas, ... Malheureusement à ce jour et malgré tous nos efforts, les revenus ne couvrent toujours pas les dépenses et je suis contraint de tourner la page sur cette aventure.
En rapport à notre modèle, entouré depuis par différents concurrents, je ne connais pas de service qui a entièrement réussi dans la livraison de colis entre particuliers (j'entends par là qui est "connu de tout un chacun" tel un Airbnb, BlaBlaCar, Deliveroo,...). Aussi, je voulais partager ici mon expérience avec les futurs porteurs de projet dans l'espoir qu'un modèle viable puisse voir le jour.
Ma première constatation pourra paraître simpliste mais le plus gros soucis du modèle est ... l'inertie du colis ! En logistique, la livraison finale vers l'utilisateur (le "last mile delivery") représente déjà le plus grand casse tête du siècle pour les transporteurs. Dans notre cas, nous étions confrontés au "last mile" mais également au "first mile" = que le colis parvienne au voyageur. Si vous louez un Airbnb, vous vous déplacez jusqu'à celui-ci. Idem pour un covoiturage, vous vous déplacez jusqu'au point de rendez-vous. C'est aussi simple que ça : un colis ne se déplace pas de manière autonome ; ) Peu importe qu'il faille le déplacer de 12000km ou de seulement 2m, quelqu'un devra le prendre en charge à chaque étape ! Les transporteurs rencontrent un énorme succès dans l'utilisation de points relais : une personne se charge d'emmener le colis au point relais et une autre de l'y récupérer, sans autres contraintes. Les tarifs via points relais sont nettement plus attractifs. Finalement, dans le cas de PiggyBee, la récompense n'a jamais semblé suffisante (en rapport au prix de l'objet ou du gain réalisé par le demandeur) pour que le voyageur accepte de prendre en charge ces nombreuses étapes : trop de tracas pour trop peu de récompense.
Ma seconde constatation est le manque de récurrence, talon d'achille d'un "business" (=un projet qui génère un revenu qui permettra de développer le service et fournir une assistance à ses utilisateurs). Tout le monde a besoin de se loger quand il part à l'étranger, tout le monde doit se déplacer, tout le monde a besoin de manger... Il n'est pas certain que tout le monde veuille obtenir des cigares cubains ou le dernier t-shirt des Yankees 20 fois par an... Il est extrêmement difficile dans ce cas de fidéliser un groupe d'utilisateurs, une faible rétention qui tôt ou tard s’avère fatale.
Olivier, notre voyageur le plus fidèle, a effectué la majorité des transports sur la plateforme. Olivier est steward pour une grande compagnie aérienne (=récurrence des voyages). A l’étranger, il se faisait envoyer les colis à l’hôtel (=solution au problème du “first mile”)
Au retour de l’étranger, il envoyait systématiquement ses colis via mondial relay, un transporteur traditionnel qui utilise des points relais (=solution au problème du “last mile”).
J’ai participé à plusieurs conférences, j’ai écumé l’un et l’autre salon, nous avons essayé d’approcher les compagnies aériennes mais tout ça n’aura pas sauvé la mise (sans compter l’énorme frilosité des compagnies à évoquer un paquet confié…)
Je pense qu’une solution réside dans le processus développé par Olivier. Derrière, tel que c’est le cas sur Vinted par exemple, une facilité d’utilisation déconcertante est nécessaire (je pense à l’impression en un clic de l’étiquette qui enverra le colis au destinataire final vers un point relais).
Malheureusement, notre fusée s’est brisée en vol. Il faut énormément de moyens (humains et financiers) pour supporter le développement d’une telle plateforme.
Cela dit, je souhaite encourager nos amis de Cocolis qui se concentrent principalement à leur territoire. La France est déjà habituée aux modèles “entre particuliers” tel Bla Bla Car. C’est également là, entre autres, que la sauce Airbnb a commencé à prendre. Il est facile pour les utilisateurs de comprendre et d’adopter une variation d’un modèle connu. Cocolis répond également à un soucis qui est le déplacement d’objets encombrants (ou qui ne peuvent pas être réellement emballés-consignés pour voyager avec un transporteur traditionnel). Une bonne réponse à la première question posée par les investisseurs : “quel est le problème que vous résolvez ?” La réponse est moins évidente dans le cadre de la livraison à l’international, est-ce qu’obtenir le dernier t-shirt des Yankees est un problème vital ? Pour certains, peut-être ; )
J’ai également apprécié les efforts de mes amis belges d’Hytchers dont l’idée était de faire voyager les colis entre différentes stations essence utilisées comme points relais. L’utilisation des voyages “qui se font déjà quoi qu’il en soit” colle parfaitement aux exigences écologiques actuelles. De ce que j’ai compris, ces derniers se seront malheureusement fait rattraper par une poignée de transporteurs traditionnels qui n’ont évidemment pas apprécié qu’on puisse faire la moindre ombre à leurs gros profits (on en oublie alors très rapidement les solutions écologiques).
L’aventure n’en aura pas été moins passionnante, j’ai rencontré plein de gens extraordinaires, j’ai été confronté au vieux milieu de la logistique traditionnelle et j’ai appris tellement de choses qui me serviront toute ma vie.
Pour terminer, je voulais remercier Olivier, les 30 000 utilisateurs qui ont rejoint PiggyBee depuis 2012, le WING, mon partenaire Basile Bedelek, mon cousin Sebastien Desemberg, nos conseillers Olivier Griffet, Anthony Bievelez, Ben Piquard et nos stagiaires Alice Latteux, Alexandrine Lebrun, Armand Rousseau et Kevin Sterckx.
David Vuylsteke.